
Martin avait décidé de peindre dans son atelier. Sur son chevalet une vache Hindoue rose, commençait à prendre forme et couleur sous l'effet des pastels gras. Je laissai l'artiste à son occupation pour me concentrer sur une mission culinaire.
Il s'agissait de confectionner un dessert pour le repas de Saint-Sylvestre. Belle occasion pour essayer une nouvelle réalisation que je pourrais ensuite ajouter à ma liste de favoris gastronomiques, pour le peu que l'opération soit un succès.
Je plonge donc dans mes fiches recettes, spéciales "fêtes".
J'y déniche un superbe gâteau à l'allure très fringuante, originale, baptisé "vacherin glacé rose" et sous titré "bluffant et facile" : ça tombe bien : j'ai envie d'épater la galerie. Le temps de fabrication est court, tant mieux, j'ai un programme chargé. L'appareil requiert une congélation, sans cuisson préalable, ce qui m'arrange, mon four est facétieux.
A la lecture de la liste des ingrédients, je dresse un récapitulatif des courses à effectuer. Des biscuits roses de Reims, des pralines rouges de Lyon, des pistaches vertes non salées d'Iran, de la crème fleurette des prés, du sucre roux de canne, et des marrons glacés, de la glace à la noix de perlin pinpin, de la poudre d'ecampette, etc.
Le doute m'envahit. Vais je trouver le tout chez mon épicier local, certes achalandé de façon très éclectique, mais peut-être pas suffisamment. Je m'y rend, en vain, enfin presque. Je complète mes achats au supermarché du coin, mais de façon encore très partielle. Je cours au supermarché voisin concurrent, mais n'y trouve rien.
Ma crainte s'aggrave, le stress me guette, l'angoisse n'est pas loin. Je décroche mon téléphone pour interroger les commerçants les plus proches sur l'état de leurs stocks au regard de la liste de mes ingrédients. Opération blanche, les ingrédients répertoriés ne correspondent pas aux contraintes de la recette. Je rumine, mais conserve assez d'espoir pour me jeter dans la voiture, direction La Capitale. Je compte. Cela fait deux heures que j'ai entamé mes recherches alimentaires.
L'épicerie du Bon Marché, grand pourvoyeur en nourritures terrestres diverses et variées, devrait répondre à mes exigences. La circulation est difficile à la veille de cette nouvelle année, les gens bougent dans tous les sens. Il tombe un crachin glacé, la chaussée glissante ralenti le flux des intrépides qui ont osé sortir en voiture.
Je me gare à la vanne à gaines, priant Saint-Sylvestre de veiller à maintenir les zélés poulets dans leurs fours, par cette météo glaciaire, le temps de mes emplètes.
Je cours, bravant l'interdiction de stationner. Je trouve tout mon bonheur chez Bonmar. Je prends le temps de regretter de ne pas le prendre. Les rayons abondent d'étranges produits qui interpellent ma curiosité. Humer, toucher, mirer, examiner, explorer toutes ces boites et autres paquets remplis des ressources culinaires de la planète entière me tente terriblement.
J'attrape quelques victuailles, détaille les étiquettes, histoire de cerner approximativement la provenance, la nature, l'utilisation possible du produit, et me jette finalement dehors. Je me rassure, envisageant de revenir dans le seul but de visiter les rayons alimentaires comme s'il s'agissait d'une expo.

Cela fait 4 heures que j'ai quitté la maison. J'arrive à la voiture : une prune me nargue, collée sur le pare-brise, Saint-Sylvestre festoie sans aucun doute avec Janus... l'ingrat.
Je lis ma recette : préparation 30 mn. Je ne lis pas : courses : 5h.
Entre temps Martin a achevé sa vache champenoise rose sur papier glacé.
4 commentaires:
et la vache rose fut-elle bluffante ?
En fait le vacherin est réellement bluffant, magnifique et excellent, et valait vraiment le temps passé à le préparer. Recette à disposition !
Je veux la recette! A moins qu'elle soit prévue d'être "postée" sur ce blog.
Merci d'avance.
CD
Promis, le temps de me procurer un scanner !
Enregistrer un commentaire