
En fonction de leur petite taille, les yeux des petites filles, lorsqu'elles levaient la tête dans les escaliers, ne pouvaient manquer de fixer l'apophyse postérieure aux proportions monstrueuses. Par ailleurs, Melle M. était une institutrice très sévère, qui se moquait facilement des élèves, ce qui ne contribuait pas à la rendre sympathique aux yeux de Juliette.
A ce moment du récit, Juliette recherche le prénom de Melle M., et ne s'en souvient pas immédiatement. Les "maîtresses" d'alors n'étaient pas appelées par leur prénom. S'agirait-il de la rendre plus familière et bienveillante après tant d'années ? Juliette sent que le prénom émerge parmi d'autres réminiscences."Jeanne" s'esquisse, s'affirme. C'était elle : Jeanne.
Plus jeune, Juliette était déjà prompte à la critique verbale, mais elle utilisait également l'outil graphique, caricaturant, avec plaisir et constance les personnes qu'elle appréciait le moins.
A ce titre, Jeanne, ses grosses fesses et ses gros seins, furent régulièrement exécutées à l'arme graphite. L'erreur fut de laisser des brouillons de ces caricatures très explicites dans la poubelle de la classe.
L'institutrice les y trouva, les en sorti, y vu tout, surtout ce qui sautait aux yeux, et même la signature de Juliette, fièrement apposée au bas de l'une des oeuvres, la plus explicite sans doute.
Commença alors pour Juliette une difficile semaine de représailles. Jeanne mua en tarasque , Juliette fut punie terriblement, l'école toute entière sentit le souffre. Reléguée au dernier banc au fond de la salle, la prescription fut simple : Rédaction continue. Du matin au soir durant une semaine, Juliette fut contrainte d'écrire une phrase unique "je ne dois pas caricaturer la maîtresse". Tout en la privant des autres cours, l'institutrice savait solliciter régulièrement le sadisme latent des autres élèves pour fustiger l'exclue et contribuer activement à la terroriser. Les leçons, que Juliette entendaient tout en accomplissant sa tâche punitive, semblaient particulièrement attrayantes. La pénitente y voyait un zèle inattendu de l'institutrice lancée dans une croisade vengeresse.
Juliette s'acquitta péniblement de cette tâche qui resta profondément tatouée au porte-plume dans son histoire. Pour cette raison sans doute, sa signature, pièce à conviction éminemment dangereuse, se cache aujourd'hui derrière un pseudonyme, garde fou des mots dits.
1 commentaire:
Pas de bol la p'tite Juju.. ca marque longtemps ce genre de chose. Mais qui n'a pas eu une bougre de maîtresse bien sadique étant jeune?!
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