Mardi, premier jour de mes d'examens. Je quitte de bonne heure la maison, mon épreuve de "fondements conceptuels" débutant tôt dans le centre de Paris. Je sors du métro bien avant la station idoine, histoire de prendre un bol d'air frais avant le confinement prolongé de l'examen. Marcher au petit jour dans les rues de Paris me convient parfaitement, j'espère ainsi dissiper le noeud qui me tient le ventre depuis quelques heures. Les pensées accaparées par l'épreuve que je vais passer, je marche d'un pas alerte et traverse les pavés de la rue Montorgueil. Les livreurs, occupés au ravitaillement des boutiques, s'interpellent d'une épicerie à l'autre, toutes

violent, chaud et plumé me heurte le front de plein fouet . Je vacille, chancelle, lâche mon cartable, me prend la tête : quelle
est cette pression qui me tombe dessus... Un pigeon kamikaze
m'a désignée pour cible. Après le choc le volatile s'écroule brutalement au sol. Ma verticalité douteuse inquiète les passants qui s'arrêtent, intéressés soudain par cette actualité inattendue, me demandent si "ça" va... "ça" = se prendre un pigeon dans la tête. Donc, on la refait : "Madame, est ce que cela vous rend autrement qu'humaine, d'accueillir un pigeon en votre tête, un matin de novembre dans la rue Montorgueil ?". Soucieuse de répondre au plus juste aux angoisses des badauds, autant qu'à celles que je sens monter en moi, je me passe rapidement les neurones au check up. Les distorsions cognitives, qu'en ai-je retenu, les oeuvres systémiques de Von Bertalanfy, vont-elles résister à l'attraction étrange du volatile, les théories de la motivations sont elles toujours émergentes, et les actes langagiers dépendent-ils encore du contexte dans lequel ils apparaissent.
Et je leur réponds, aux spectateurs ébaubis : "Non, je ne me suis pas fait pigeonner la mémoire, oui, je vais supporter ce choc absurde, heureusement j'y survivrai". Le pigeon, quant à lui toujours KO, git à terre, clairement décontextualisé, distordu et démotivé.
Quelques instants plus tard, prenant le temps de récupérer mes esprits, mon assise et ma dignité devant un café salvateur, je constate que le pigeon a rendu l'âme. Le pigeon gît, et je fus l'arme du crime. Quelque part, symboliquement, j'aurais préféré être assommée par une blanche colombe (laquelle, d'ailleurs, ne doit jamais assommer), plutôt que par un pigeon gris-galeux. Ca fait déjà plus chic.
J'en profite pour envisager de bâtir sur cette riche expérience une croyance indéfectible qui m'assurera une tranquillité pour toutes les futures épreuves d'examens que j'aurai à vivre. Tant qu'à faire, n'envisageons pas l'avenir à moitié... Du genre : "se faire assommer par un marteau-pigeon assure le poltron de tout piger illico". Reste à trouver quels pigeons désespérés me prendront pour cible les matins d'examens, et ceux-là seulement.
Embarquée dans mes élucubrations, j'espère qu'il ne s'agit pas là non plus, d'une métaphore de la future coach que je deviens : une cible pour les pigeons. J'en suis encore renversée.