dimanche 22 janvier 2012

Gastons

Agathe pousse la porte de la DRH où elle retrouve Marc, c'est avec lui qu'elle assure, avec une complicité souvent salutaire, les entretiens des candidats qui postulent pour sa boite.
Ce matin Monsieur Gaston Laborde, premier candidat de la matinée, est déjà installé dans la salle lorsque les deux recruteurs y entrent. Il a soigné sa tenue : postulant pour un emploi de jardinier il est vêtu d'un complet veston accessoirisé d' une cravate bleue électrique à gros motifs dans le style d'une bande dessinée. D'abord étonnée par son allure de commercial, Agathe se dit qu'il aurait été très surprenant de le voir se présenter en sabots de caoutchouc kakis, chapeau de paille, tablier vert, arrosoir à la main et panoplie complète de sécateurs dans la poche.
Marc prend la parole, se présente, présente Agathe et commence à questionner le postulant. Agathe, mal réveillée ce matin, préfère se réserver le rôle de l'observateur. La cravate de Monsieur Gaston laborde, unique point de couleur dans la pièce, capte son attention. 3 images de Gaston Lagaffe y figurent superposées sur la longueur de la cravate. Elle suppose que la lecture des images doit se faire du haut en bas... Le premier Gaston, le plus proche du cou du postulant, se ballade fringant, satisfait de lui dans son loden élimé, se rendant sans aucun doute à la machine à café où Melle Jeanne l'attend toute excitée. Le second Gaston dérape (sol mouillé, peau de banane, contravention huileuse ???), mais reste suspendu au dessus du sol, une fraction de seconde avant de, très probablement, s'étaler méchamment. Le troisième Gaston, dont la mine désespérée se résume à un hématome facial géant, est installé dans un lit d''hôpital, un pied en traction, un bras dans le plâtre.
Agathe se jure qu'elle ne demandera pas au candidat l'adresse du vendeur de ce flamboyant accessoire très masculin, même si elle se trouvait totalement à cour d'imagination pour poser quelques questions supplémentaires...
L'entretien s'achève rapidement, Marc ponctuant l'instant final par un éclaircissement sonore de sa voix de baryton basse. Monsieur Gaston Laborde remercie, se lève péniblement, rassemble maladroitement ses certificats, courriers et diplômes dans son cartable, pivote sur lui même en sautillant sur son seul pied gauche... le droit étant coincé dans un plâtre, le poignet gauche dans une attelle, salue et quitte la pièce.
Marc s'écroule sur le bureau, mort de rire "Non mais t'as vu sa cravate ?"

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