dimanche 22 mars 2009

Le dressage des crustacés

Oui. Je suis très occupée. Au point de négliger d'écrire.
Les mouvements sismiques sur mon lieu de travail ont fini par m'éloigner de mon bouchot. Depuis quelques jours, telle l'arapède commune, je tente une adhérence sur un rocher plus volumineux, qui sentirait moins le "je-connais-déjà". C'est ainsi que je me m'occupe à présent de la vie citadine et néanmoins multicolore des enfants de 0 à 18 ans.
A ce titre vendredi dernier, j'ai passé quelques heures délicieuses à recruter (l'une de mes activités favorites). Je découvrais à cette occasion des professionnels dont, jusqu'à présent, j'ignorais presque tout : les cuisiniers. Rien à voir avec les petits cuisinounets miniatures, que je connaissais pourtant bien, lesquels confectionnent les repanounets des petits accueillis dans les crèches, nourris à la cuillère de dînette. Non. des vrais cuisiniers, ceux qui crachent par terre en sortant de leur boulot, qui déménagent les batteries  d'un coup de cuillère à pot, qui s'agitent en suant devant des pianos chauffés à blanc. Ceux qui connaissent la musique.
Pour m'accompagner lors de ces entretiens : Maria, chef des cuisines. Entrée dans la maison par la toute petite porte il y a 20 ans comme agent, elle dirige à présent de main de maître une bande de 15 marmitons et autres maîtres-coq dont la mission consiste à nourrir 3000 affamés municipaux tous les jours. Passons les quelques informations utiles distillées par Maria à propos de l'ambiance dans les cuisines de France et de Navarre. Les inévitables guerres de tranchées entre la "ligne froide" et la "ligne chaude", les vilains mots qui survolent les casseroles tôt le matin, et atterrissent immanquablement dans les fonds de sauces avant midi, altérant gravement, je suppose, l'heure limite de leur consommation. 
Or donc vendredi nous avons reçu Jean Bon, candidat cuisinier. Etudiant de près son CV, préalablement à l'entretien je lis : 
1997-1998 : dressage de crustacés (Société "la Moule Hagarde", Elbeuf)
Bien évidemment, j'avais besoin d'éclaircissements. J'imaginais le candidat, munis d'un lasso et équipé de cuissardes en caoutchouc, dresser quelques crevettes arrogantes. Crinières au vent, lancées au galop sur la plate baie de Cancale, elles chercheraient dans une ultime course effrenée à braver l'asservissement promis... 
"Or donc, Monsieur bon, vous dressâtes les crevettes en quatre-vingt-dix-sept ??"
"Oui, et c'est pas facile vous savez, de les monter sur les coques. Heureusement que les homards permettent  au plat de garder l'allure."
hêêêêêhhhh ???? les homards seraient eux-aussi dans le coup ? 
Je maîtrise alors plus ou moins brillamment le fou rire qui me gagne en visualisant l'image de la scène décrite par Jean :  Le dressage a lieu sur le plat de la baie de Cancale. Des coqs de course sont montés par des crevettes-jockeys et les homards-parieurs, probablement dans les tribunes, s'époumonent (ou s'ébranchiolent), encourageant ainsi l'allure des plus faiblards. 
Moyennant quoi, la mayonnaise prend.

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